Profession : reporter dans les coulisses d’un procès et d’une enquête de la Mocro Maffia. Cette mafia, partie du Maroc, est en connexion avec d’autres organisations, et elle est jugée en ce moment à Amsterdam.
Sur l’appelle Mocro Maffia par commodité. C’est un agglomérat de plusieurs groupes criminels : les italiens de la Camorra, les cartels colombiens et péruviens, les Irlandais de Kinahan et des Marocains, comme le présumé chef du réseau Ridouane Taghi, jugé pour 13 meurtres depuis deux ans, dans une salle d’audience ultra sécurisée d’Amsterdam. Et les journalistes qui ont diffusé ce procès de trop près sont menacés. L’un d’entre eux, Pieter de Vries a même été assassiné en pleine rue.
Ils sont 17 à comparer. Ridouane Taghi, un néerlandais originaire du Maroc, considéré comme le chef de l’organisation criminelle, et 16 complices pour 13 meurtres et tentatives de meurtre. Si le sang coule autant, c’est pour préserver le contrôle d’un trafic de drogue international qui pèse des milliards d’euros. 110 tonnes de cocaïne ont été saisies par les douanes belges et néerlandaises dans les ports d’Anvers et Rotterdam, mais en réalité, ici, transiteraient dix fois plus de drogue, cachées dans les 12 millions de conteneurs déchargés sur les docks.
C’est Europol qui par le biais d’une messagerie électronique, a permis cette série d’arrestations. Les messages interceptés sans ambiguïté : la drogue, les assassinats commandités, la corruption. Les conversations numériques ont gardé toutes les traces de ce réseau sans foi, ni loi, ultraviolent.
Thibault Lefèvre, grand reporter à France Inter, s’est rendu à Amsterdam. Ultra-sécurisé est un terme faible pour définir les contours du procès : militaires lourdement armés et drones à l’extérieur. Fenêtres cloisonnées, la lumière du jour n’entre pas dans la salle d’audience. Tous les protagonistes sont séparés par du vitrage blindé, les avocats des parties civiles plaident le visage masqué. Les journalistes ne peuvent ni filmer, ni enregistrer, ni photographier, ni même dessiner.
En dépit de ces protections, les meurtres perdurent
Le frère du témoin clé, tué. Fils avocat, tué. Et le journaliste d’investigation Peter de Vries, très en vue dans cette affaire puisque le témoin à la barre, assassiné en pleine rue, le 6 juillet 2021. Quand une voiture bélier défonce les locaux du journal Le télégraphe quotidien, en représailles à une couverture très documentée, ou quand Marieke De Witte, qui travaille pour l’agence de presse néerlandaise ANP reçoit des signaux d’intimidation caractérisés, la pression sur l’information n’est pas qu’une vue de l’esprit .
À écouter le travail de Thibault Lefèvre, on se demande alors devant ces faits d’une violence inouïe sur le sol européen, commenter la Mocro Maffia est à ce point méconnue en France ? Le grand reporter d’Inter apporte son analyse :
“Il n’y a pas de leader, on peut toujours considérer que le chef présumé est Ridouane Taghi, en réalité, ce sont plusieurs groupes criminels qui travaillent ensemble un jour et peuvent s’opposer le lendemain, d’où les règlements de comptes , les meurtres”.
Thibault Lefèvre, grand reporter à France Interà franceinfo
On est loin des organisations mafieuses fonctionnant avec un système pyramidal à l’ancienne, comme Cosa Nostra en Sicile. Les nouveaux groupes représentent le symbole de la pieuvre aux multiples tentacules. Si Ridouan Taghi – la peine à perpétuité est requise – passe sa vie derrière les barreaux, cela ne signifie pas pour autant la fin de la Mocro Maffia. Tant que les conteneurs arriveront à Anvers, Rotterdam et ailleurs, le trafic rémunérateur ne se tarira pas.
Et comme le stipule Thibault Lefevre dans cette chronique, “C’est un jeu d’enfant de circulaire sur les quais d’Anvers et d’approcher les conteneurs pour récupérer la marchandise. Pas de police, pas de télésurveillance, cela pose question”.
L’enquête de Thibault Lefèvre est à réécouter ici : “Mocro Maffia, quand la violence des cartels déferle sur l’Europe”