
Rarement communication de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) aura été si attendue ; rarement aura-t-elle aussi suscité une telle perplexité.
Les juges européens ont rendu, mardi 7 février, un arrêt précisant le statut de certains organismes génétiquement modifiés (OGM) au regard de la réglementation européenne sur le sujet. D’une grande technicité, le texte de l’arrêt a dû être longuement analysé par les parties prenantes (industriels et associations), avant que celles-ci en livrent leur interprétation. Une chose semble cependant acquise : c’est une victoire pour les tenants des biotechnologies végétales et une défaite pour leurs adversaires.
La CJUE ouvre en effet la possibilité que certains organismes obtenus par « mutagénèse aléatoire in vitro » puissent déroger aux exigences prévues par la directive 2001-18, qui encadre la commercialisation et la dissémination d’OGM sur le territoire européen.
Pour comprendre, il faut revenir aux sources du contentieux. En 2015, la Confédération paysanne et plusieurs organisations de protection de l’environnement avaient saisi le Conseil d’Etat, protestant contre l’exemption dont bénéficient les cultures obtenues par mutagénèse, non soumises aux contraintes réglementaires visant les OGM obtenus par transgénèse. La mutagénèse revient à faire muter le génome d’un organisme pour lui faire acquérir certaines caractéristiques, tandis que la transgénèse consiste à insérer un gène étranger dans son génome.
Saisie d’une question relative au droit de l’UE, la haute juridiction française avait, à la suite du recours formé par les opposants aux biotechnologies, interrogé la CJUE pour obtenir d’elle son interprétation. En 2018, les juges européens avaient estimé que les organismes obtenus par mutagénèse n’étaient pas expressément soumis à la réglementation OGM si la technique d’obtention était de celles « traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».
La Cour a « capitulé »
En février 2020, la Conseil d’Etat en avait donc déduit que les organismes obtenus par des techniques de mutagénèse récentes, postérieures à la directive de 2001, devaient être réglementés comme des OGM. Un point important : en France, une variété de colza tolérante à l’herbicide imazamox est cultivée après avoir été obtenue par mutagénèse in vitro.
Mais le bras de fer ne s’est pas arrêté à la décision de la haute juridiction française. Celle-ci n’a, en effet, été suivie d’aucune mesure des autorités, la Commission européenne s’opposant à tout distinguo entre mutagénèse aléatoire in vivo (traditionnelle) et mutagénèse aléatoire in vitro.
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