
Il reste, dans l’imaginaire collectif, l’archétype de l’artiste qui a transmué sa souffrance en or musical. Et les épreuves, dans la vie de l’auteur de L’hymne à la joie, n’ont pas manqué. Elevé par un père brutal et alcoolique, Ludwig van Beethoven (1770-1827) a perdu sa mère bien-aimée à l’âge de 17 ans ; et son existence a été scandée par une litanie de problèmes de santé. Outre sa célèbre surdité, qui a débuté vers l’âge de 28 ans pour devenir totale entre 45 et 48 ans, le compositeur se plaignait régulièrement de douleurs abdominales et souffrait de troubles dépressifs.
Près de deux siècles après sa disparition prématurée à l’âge de 56 ans, les causes de la surdité de Beethoven et celles de sa mort font toujours débat. Bien des hypothèses ont été avancées : cirrhose hépatique, syphilis, hépatite aiguë, maladie de Paget (une pathologie osseuse qui entraîne notamment des déformations du crâne)… Sans compter son penchant immodéré pour le vin et une possible intoxication chronique au plomb, ou saturnisme, en lien peut-être avec cet alcoolisme. Le vin bon marché de l’époque, en effet, était souvent coupé de plomb pour lui conférer une saveur sucrée – or Beethoven appréciait particulièrement les vins de Hongrie, souvent frelatés.
Une nouvelle étude, publiée le 22 mars dans la revue Current Biology, a fait parler l’ADN de celui qui sut si bien faire chanter le piano. Une équipe internationale a déchiffré le génome humain extrait de huit mèches de cheveux censées provenir du crâne du compositeur, et issues de collections publiques et privées. L’étude a été coordonnée par Johannes Krause, de l’institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste à Leipzig (Allemagne), un laboratoire rompu aux méthodes capables de lire l’ADN ancien.
« Mèche de Stumpff »
« Les cheveux sont un matériel pertinent pour examiner les causes génétiques de diverses maladies, rappelle Jean-François Deleuze, directeur du Centre national de recherche en génomique humaine du CEA. Encore faut-il s’assurer que les mèches analysées sont bien authentiques. »
Et c’est la première surprise. Sur les huit mèches examinées, les auteurs n’en ont authentifié que cinq, toutes prélevées durant les sept dernières années de la vie du musicien. Le lien le plus étroit a été trouvé entre l’ADN de la « mèche de Stumpff » (appartenant à un collectionneur privé) et l’ADN de personnes issues de la descendance allemande connue de Beethoven, et vivant aujourd’hui en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Et les trois autres mèches ? L’ADN de l’une n’était pas exploitable. Quant aux deux autres, leur génome ne correspond pas au même individu que les cinq mèches authentifiées. La « mèche de Hiller », en particulier, soi-disant prélevée sur le lit de mort de Beethoven par un jeune admirateur puis passée de main en main, appartenait en réalité à une femme. Ce qui invalide les conclusions d’une étude qui y avait décelé, en 2000, des teneurs en plomb cent fois plus élevées que la normale, qui auraient pu expliquer la surdité de l’artiste.
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